ET SI ON PARLAIT DE LA LEÇON D’EPS ?

Introduction de Franck Linol

Le point de vue de Franck. ROBERT

Jacques BACHELARD Interview effectué par Bruno CARBONNE

Patricia COHEN Interview effectué par Bruno CARBONNE

Jean-Christophe CHAVAGNAC Interview effectué par Franck. ROBERT

 

Introduction de Franck Linol

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Les textes de 61 et 62, introduisent de façon prépondérante, l’usage du sport en EP.

La leçon de gymnastique, puis la leçon d’EP changent de dénomination : on parle alors de « séance».

L’initiation sportive et l'entraînement sportif, jusqu’alors cantonnés dans le plein air et l’AS, prennent progressivement la place de la gymnastique méthodique. Toutefois, la plan de la leçon ne varie guère : prise en main, mise en train, partie principale et retour au calme, semblent rythmer de façon immuable le cours d’EPS.

Les années 80, couronnent le retour en force de la leçon d’EPS. les candidats aux divers concours, sont invités à « présenter une leçon », « réfléchir sur la notion de leçon, acte didactique ultime » (« un programme, la leçon, le cycle en EPS ») C. PINEAU, M. DELAUNAY; EPS n°217)

Les instances officielles indiquent que « plus fortement que celui de la séance, le terme « leçon » est porteur de l’idée d’enseignement. La leçon devant les élèves doit être l’unité fondamentale de la pédagogie scolaire » (EPS n°217).

Dorénavant, la leçon d’EPS s’accompagne d’un cortège de notions plus ou moins stabilisées, telles que : « séquences d’apprentissage », « critères de réussite », « variables didactiques », « consignes », « situation-problème », etc...

Mais comment est traité dans la réalité du quotidien, « cette unité pédagogique », « cet appendice du programme » que constitue la leçon ?

Nos « reporters » sont allés enquêter sur le terrain ! Ils ont ramené pour le bulletin, quelques entretiens avec des collègues de l’académie.

Ceci pourrait constituer le début d’un travail plus approfondi. A suivre donc.

Le point de vue de Franck. ROBERT

(Lycée P. Eluard - Saint-Junien)

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1 - Leçon ou séance ?

Je ne m’étais jusqu’alors jamais posé une telle question. Toutefois, le terme « leçon » me parait lié au contenu et surtout à la conception du mode d’apprentissage maître-élève. La notion de « séance » est pour moi plus large : séance d’animation, séance d'entraînement ou séance d’enseignement. J’utilise plutôt le mot de « séance » lorsque je prépare un cycle ou un cours mais ceci n’exclut pas le contenu d’enseignement.

2 - Animation ou enseignement ?

La définition de notre métier est claire, nous sommes là pour enseigner. Notre action première consiste donc à choisir les contenus de notre enseignement. Maintenant, pour enseigner, encore faut-il que les élèves soient dans les dispositions d’apprendre. J’ai toujours considéré que si les élèves étaient contents de venir à l’école, la moitié du chemin était fait. Etre à l’écoute de ses élèves, communiquer avec eux, connaître leurs pratiques dans le civil, rendre vivants ses cours, ce sont effectivement des qualités que l’on attribue à un bon animateur. Je pense qu’un bon objectif serait d’animer au mieux notre enseignement. Il ne faut jamais oublier que nous nous adressons à des êtres vivants qui pensent, qui ressentent, qui ont envie ou qui refusent.

3 - Quelle préparation ?

Ma préparation fonctionne en tiroir. La première phase a été réalisée en équipe EPS où nous avons défini ensemble les contenus à enseigner par niveau de classe et famille d’APS, et précisé des repères (observables).

A partir de cet outil, en fonction du niveau de maîtrise des élèves, chacun de nous choisit sa démarche pédagogique pour le cycle (2ème phase). On mettra en avant soit des méthodes de travail, soit des savoir-faire.

Pour chaque cours (3ème phase) le moment de préparation est indispensable, même si parfois il est bref ; il se concrétise par une trace écrite où chaque situation est décrite de manière simplifiée.

Je me sers de ces notes lors des cours, j’essaie d’y rester fidèle, même si parfois la nécessité du moment me fait changer le déroulement de la séance. J’ai trop peur qu’en improvisant trop, je passe complètement à côté du contenu recherché.

4 - Comment est structurée la leçon ?

Je suis persuadé que les transferts entre les exercices analytiques partiels et l’activité globale ne s’opèrent pas de manière efficace sans qu’il n’y ait un besoin flagrant. Cela demande de rompre des automatismes, de réorganiser les prises d’informations, de restructurer d’autres automatismes notamment par la répétition. En avons-nous le temps et est-ce notre mission. Je préfère partir de l’activité globale et faire évoluer les pratiques en modifiant des règles (nombre de joueurs, nombre d’équipe, espace de jeu, comptage de points...) ou en centrant l’observation par les élèves (sur fiches) sur l’aspect précis que l’on veut faire évoluer. Dans ces situations, on garde un enjeu donc une motivation.

Dans la structure de mes leçons, on retrouve très souvent ce parti pris. L’échauffement qui commence de manière autonome se finit par une situation jouée qui induit le contenu de la leçon. Ceci me permet à ce moment là de préciser ce que j’attends. Puis s'enchaînent des situations à jeu modifié ou/et du jeu en situation de référence mais observation. Nous faisons enfin le point en fin de séance ce qui me permet de valider ou non les acquis. Cette démarche me parait plus riche notamment dans notre contexte d’enseignement où nous n’avons que peu de séances dans chaque cycle et où nos élèves ont besoin de beaucoup pratiquer en restant dans la logique interne de l’activité dont ils ne sont pas des spécialistes. Pour des élèves qui poussent plus loin la pratique (option EPS ou UNSS) je mets en place quelquefois des séances avec des exercices plus analytiques et répétitifs.

Jacques BACHELARD Interview effectué par Bruno CARBONNE

Collège d’Ambazac, LP St-Exupery -Limoges

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Q - Est-ce que les termes de leçon, séance, cours d’EPS couvrent une même réalité, ou fais-tu une distinction quant à leur signification ?

R - Je n’ai jamais employé le terme de leçon pour l’EPS. Leçon me fait penser à l’école primaire. C’est un terme un peu infantile, une expression un peu archaïque me rappelant Hébert.

La séance me correspondrait davantage.

Le cours est plutôt le terme employé par les élèves par rapport à l’EPS. Sinon, quand je parle d’EPS, j’utilise le mot cours la plupart du temps.

Q - La part de l’animation et la part de l’enseignement autrement dit les pôles pédagogiques et didactiques sont-ils indissociables ou jouent-ils un rôle indépendamment l’un de l’autre ?

R - Animation et enseignement sont deux pôles indépendants auxquels j’ajoute un aspect relationnel, notamment au lycée professionnel où amener les élèves à pratiquer, participer à certaines activités est déjà une réussite.

Q - Est-ce que cela te demande une préparation ?

R - Aujourd’hui, la préparation des cours me demandent moins de temps. J’essaie de porter l’accent sur l’évaluation : diagnostique au départ, intermédiaire si c’est possible et terminale. A partir de l’évaluation, je construit une « progression ».

Q - Comment est structuré ton cours d’EPS ? Te donnes-tu un cadre pour enseigner ? Quelle est la mise en oeuvre méthodologique ?

R - En général, la structuration du cours se déroule comme suit :

- une mise en train, échauffement

- des situations appropriées à un thème de jeu ou d’action, afin d’améliorer le constat de l’évaluation diagnostique

- suivant la durée de la séance (pas de jeu par exemple en sports co) mais deux séances de travail d’un thème et application sur une séance.

Q - Quels sont les connaissances et les savoirs que tu transmets aux élèves ?

R - Le goût de l’effort. La politesse et le respect de certaines valeurs. Je travaille beaucoup sur le relationnel. Je suis relativement content quand des élèves qui ne réussissaient pas à courir, même un minimum, viennent et me disent : « c’est vrai que maintenant c’est possible de courir au moins vingt minutes ».

Patricia COHEN Interview effectué par Bruno CARBONNE

(Collège d’Ambazac)

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Q - Est-ce que les termes de leçon, séance, cours d’EPS couvrent une même réalité, ou fais-tu une distinction quant à leur signification ?

R - Je préfère employer le mot séance plutôt que leçon ou cours d’EPS parce que par rapport à l’EP et à ma manière de voir, c’est un mot « moyen terme » entre discipline d’éducation et discipline d’enseignement.

Les mots leçon ou cours sont à mon humble avis, davantage connotés disciplines d’enseignement. Je préfère donc dire, séance. J’utilise parfois « séquence » parce que je ressens de façon très lourde le poids du temps.

Q - La part de l’animation et la part de l’enseignement autrement dit les pôles pédagogiques et didactiques sont-ils indissociables ou jouent-ils un rôle indépendamment l’un de l’autre ?

R - Si le pôle pédagogique jouait un rôle indépendamment du pôle didactique, l’enseignant ne ferait pas son métier d’enseignant. Autrement dit, tout enseignant doit être animateur de son groupe, quel que soit la discipline enseignée. Ainsi, il devrait faire la part des choses entre : « aspect de l’animation » dans son cours et la part « didactique et transmission », transmission de savoirs.

Je pense que par rapport à l’EPS, peut être qu’à un moment donné, cette dernière s’est engouffrée dans la voie de la didactique à tout cran. Je ne sais pas si on y a perdu. Mais on a oublié l’importance du côté pédagogique dans notre discipline, dans la mesure où on atteint l’enfant, l’être humain dans sa globalité. Je crois qu’il y a à prendre du recul dans l’aspect un peu mécanique peut être d’une analyse strictement didactique c’est-à-dire technique de la discipline. Pas au sens d’une technique sportive, mais du point de vue du fonctionnement d’une enseignement. Je crois qu’il faut prendre du recul les uns et les autres et je ne pense pas que les rôles pédagogiques et didactiques doivent être dissociés. Ils sont imbriqués. On ne peut pas faire l’économie d’une analyse de l’activité de notre enseignement. La didactique, c’est aussi exercer un pouvoir. Il faut peut être que l’on réfléchisse à cela. Ceci dit, on ne peut pas être pédagogue sans être didacticien et on ne peut pas être un peu didacticien en oubliant pourquoi on fait de la didactique. Si on a didactisé les activités-support c’est aussi pour une meilleure intervention pédagogique. Il ne faut pas qu’on l’oublie.

Q - Est-ce que cela te demande une préparation ?

R - Une préparation ? Oui, évidemment que je prépare mon cours, ma séance. Je la prépare en termes de contenus. Une fois que les activités-support ont été choisies par l’équipe pédagogique, je prépare ma séance en termes de contenus et d’animation. Je tiens compte de ma place dans le groupe classe, le groupe d’enfants, le groupe élèves. Je réfléchis à mon intervention, à quel type d’intervention en fonction de l’activité, etc... Je ne fais pas toujours la même chose en tant qu’enseignante dans les activités que j’utilise en cours. Alors oui, je prépare ma séance, bien sûr, j’essaie d’y penser « un minimum ».

Q - Comment est structuré ton cours d’EPS ? Te donnes-tu un cadre pour enseigner ? Quelle est la mise en oeuvre méthodologique ?

R - De manière simple. Je « prends » ma classe, c’est-à-dire répondre aux attentes de l’administration. Je fais l’appel et je le transmets. Ensuite, j’essaie de leur faire dire ce qu’ils ont retenu de la séance précédente. D’ailleurs spontanément, j’utilise le mot séance, c’est bien là que je me situe !

Donc, j’essaie de faire un récapitulatif en termes de situation, d’objectif (qu’est-ce que l’on voulait faire, etc...)

Puis, je m’efforce d’expliquer ce que j’attends de la séance du jour. Après c’est la partie « mise en situation » et la partie « animation ».

Q - Quels sont les connaissances et les savoirs que tu transmets aux élèves ?

R - Avant tout, ce qui m’intéresse se sont les savoir-faire et les savoir-êtres. Nous avons peut être des savoirs à transmettre, mais c’est vrai que je fais dominer d’abord tout ce qui est autour des savoir-êtres et des savoir-faire. Le choix, il est celui de l’enseignant et je crois que l’on fait passer ce que l’on pense devoir faire passer aux enfants.

Par exemple, en terme de savoir-faire lié à l’activité support pas forcément en terme de : « je suis capable de faire l’ATR ». C’est plutôt, quels moyens on me donne pour réussir l’ATR, c’est ça que j’attends. Pour les savoir-êtres, c’est tout l’aspect qu’on a appelé à une certaine époque « socialisation » mais qui est liée à tout ce qui est la vie de l’enfant, dans le cours, sa manière d’être par rapport à l’activité. Ce n’est pas seulement en terme de socialisation au sens strict du terme, c’est aussi comment je suis par rapport à cette activité.

Q - Quels obstacles aux apprentissages peuvent naître dans (pendant) ce moment d’appropriation mais aussi dans ce lieu de vie ?

R - Les obstacles aux apprentissages ? On pourrait parler des obstacles matériels, des conditions d’enseignement.

C’est parfois un refuge de la part de nos collègues. Je ne le dis pas de façon pernicieuse ou polémique. On peut construire sans moyen matériel. Il n’y a pas que cet aspect des choses. Tout ce qui touche aux problèmes de l’organisation de notre propre séance : est-ce que l’on articule correctement le pédagogique et le didactique ? A-t-on bien clarifié les objectifs ? Comment se sent-on soi-même animateur dans le groupe, dans la séance. Tout cela entraîne des obstacles face aux apprentissages des enfants. Et puis, il y a des obstacles inhérents à l’enfant lui-même : au plan cognitif, de l’essence corporelle, le positionnement face à l’activité, etc...

Les obstacles sont nombreux. Il faut essayer de les prendre en compte quand on construit nos séances et ce n’est pas facile. On peut dans un premier temps les supposer à priori, (de) les quantifier et (de) les situer en travaillant sur une évaluation diagnostique. Tout ce qui peut se faire à priori, ce sont les obstacles matériels mais également si on n’a pas préparé suffisamment sa séance ou son cycle (maîtrise, honnêteté,...)

Q - Outre que l’EPS contribue à l’éducation globale des enfants et des adolescents, la plus petite unité de formation qu’est le cours d’EPS, est-elle déterminante dans la lutte contre l’échec scolaire ?

R - Effectivement, à une époque, il y avait eu un article dans la revue EPS qui s’intitulait: « l’EPS et l’échec scolaire ». Je ne suis pas convaincue du tout que l’EPS participe à la lutte contre l’échec scolaire. Tout dépend de notre positionnement face à notre enseignement EPS. Autrement dit, si j’accorde plus d’importance à l’aspect « savoir » je contribue à l’échec de certains enfants. Je ne vois pas pourquoi l’EPS contribuerait plus que les autres disciplines à lutter contre l’échec scolaire, comme ça à priori. Maintenant, je dis que si on travaille effectivement à centrer l’élève au coeur de notre enseignement, c’est-à-dire si on ne fait pas passer la discipline avant l’élève, on peut être un des vecteurs de lutte possible contre l’échec scolaire. Mais ça, c’est un problème d’éthique, de valeur et de conviction.

Je pense que l’humilité est une qualité nécessaire à développer quand on est enseignant.

Nous pouvons agir mais en gardant toujours à l’esprit les limites de notre action. Transformer oui ! mais en pensant toujours que ce n’est qu’une contribution aux changements.

Jean-Christophe CHAVAGNAC Interview effectué par Franck. ROBERT

Collège d’Aix sur Vienne et Lycée Saint-Junien

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Q - Quel est ton rôle dans la leçon ?

R - L’enseignant est un catalyseur, il doit permettre à l’élève de s’approprier des savoirs sans toutefois chercher à les lui imposer. Il est une ressource pour l’élève et ne doit pas être considéré comme le point de passage obligé pour tout apprentissage. Dans mon travail, j’observe, je régule les situations, conseille mais je ne suis pas le détenteur du pouvoir absolu. Je tente de faire participer activement les élèves aux processus d’observation, d’évaluation, d’arbitrage...

Q - Quelles parts attribues-tu à l’animation et l’enseignement ?

R - L’animation consiste dans la gestion des critères de réussite et des consignes, l’enseignant se doit d’aller plus loin. Il est primordial qu’il soit capable de réguler ses situations en cours, sous peine de perdre une séance. De plus, le travail de conception fait en aval et celui de traitement fait en amont sont essentiels à l’enseignement.

Q - Quelle est la structure habituelle de tes leçons ?

R - Mes leçons se décomposent en 4 phases : tout d’abord, un temps d’échauffement que je scinde, pour les séquences de 2h, en échauffement général et échauffement spécifique. Ensuite, j'enchaîne avec des situations de travail (1 à 3). Dans une 3ème phase, le jeu global (sport co ou duels) ou le mouvement global (athlé, gym) doivent permettre de réinvestir les apprentissages qui viennent d’être effectués. Enfin, nous faisons le bilan sur la leçon.

Q - Comment peux-tu définir le contenu des tes leçons ?

R - Je les classe dans 3 types :

- les savoir-faire, c’est-à-dire les apprentissages moteurs

- les savoirs , se connaître et connaître l’APS

- les savoir-être qui comprennent la gestion des rapports aux autres, à l'enseignant, au matériel

Q - Comment organises-tu tes situations d’apprentissage ?

R - Tout dépend de l’activité.

En gymnastique par exemple, les élèves travaillent de manière autonome avec un support de fiche de travail.

Par contre, en sports co et sports duels, c’est moi qui donne les consignes oralement.

En ce qui concerne le groupement des élèves, je n’agis pas non plus de la même manière dans toutes les APS. Les élèves peuvent « s’assembler » par affinité pour les situations d’échauffement. Je constitue des groupes homogènes entre eux (avec des élèves hétérogènes) en sports co, les élèves les plus habiles doivent alors se mettre au service des moins habiles, l'hétérogénéité les obligent à rompre leurs habitudes de club. En athlétisme, gym et activités duelles, je structure ma classe en groupes de niveaux afin de différencier les apprentissages ou de créer des oppositions cohérentes.